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manuscrits:
fin
février
2023

 

Œdipe, personnage central d'un mythe antique, est devenu, avec Freud, un marqueur de la scène théâtrale familiale et la figure emblématique d'un complexe central de la métapsychologie. Si le mythe s'inscrit comme référence incontournable de l’histoire des idées, le complexe interroge sur la nature et l'ampleur des organisations psychiques qui en dépendent. Au niveau du développement individuel, il est souvent rabattu à sa forme dite « positive » où aimer un de ses parents et s’identifier à l’autre devenu modèle et rival est la trame d’un scénario inconscient supposé rejoué par chaque vie psychique. Au niveau collectif, la portée politique et guerrière du mythe est, dans ce modèle freudien historique, émoussée par cette limitation au cadre familial et à l’intrapsychique.

Pensé d’emblée comme universel, et comme moment essentiel à la structuration de la personnalité du petit d’homme, le complexe d’œdipe peut aussi se voir comme contingent, relatif à l’observation et à l’interprétation par Freud des angoisses d’un petit garçon (« le petit Hans ») de la Vienne des années 1900. Car ensuite, l'universalité du complexe d'œdipe a longuement été contestée par des historiens (Vernant ; Borch-Jacobsen ; Mazurel), des anthropologues (Malinowski ; Lévi-Strauss ; Godelier ; Héritier), des philosophes (Popper, Wittgenstein), auteurs qui réfutent la constance de cette étape du développement psychique dans le temps et l’espace culturel. Elle est aussi relativisée par des psychanalystes (Klein, Bowlby, Spitz, Erikson, Kernberg, Mahler, Kohut, Baranger), surtout celles et ceux impliqué(e)s dans la recherche sur les psychoses, les fonctionnements limites et les troubles du spectre de l’autisme.

Des critiques sévères ont ensuite pointé un usage aliénant de l’Œdipe dans les cures, comme outil théorique conservateur de l’ordre politique établi et déni des rapports de domination (Zalkind, Reich, Fromm, Marcuse, Adorno, Habermas, Binswanger, mais aussi Deleuze et Guattari, auteurs de l'incontournable référence L’Anti-Œdipe). Plus récemment, les chercheurs et chercheuses des gender studies, des courants féministes, de la communauté LGBTQI+, ont opéré une remise en cause plus radicale du complexe d’œdipe, niant parfois même son existence en regard des reconfigurations familiales actuelles. Selon ces perspectives, l’identité est devenue mouvante, fluctuante, et « l’identité sexuelle », trop souvent entendue comme consolidée et fixée à la sortie de la période œdipienne, n’en est plus une composante, ni un repère fixe, y compris à travers ses remaniements adolescents. Toute l’importance classique du poids civilisateur rattachée en psychanalyse autour du complexe d’Œdipe - à savoir l’intériorisation de l’interdit de l’inceste et du parricide, la construction symbolique de la différence des sexes et des générations - exige donc la poursuite des débats et des questionnements trans-disciplinaires.

 

Ainsi, en reprenant la complexité du mythe en lui-même, ce nouveau numéro de la revue In Analysis souhaite interroger les bases anthropologiques, politiques, économiques, sociétales sur lesquelles la psychanalyse se réclamant de l'œdipe s'est construite. Il se demandera ce qui reste de sa version freudienne originelle dans une société occidentale en mutation accélérée, qui ne cesse de générer de nouvelles configurations familiales (composites, monoparentales, homoparentales, recomposées, etc …), de nouvelles formes de sexualités, d’identités de genre, de relations de couple, de rapports parents-enfants, de modalités de reproduction.

 

Les métamorphoses profondes observées au décours de ces évolutions sociétales sont-elles une preuve de l’obsolescence d’une certaine psychanalyse agrippée à une lecture ultra-œdipienne du développement individuel ? Une interprétation différente de l’œdipe est-elle possible, plus en appui sur la dimension politique de ce mythe, l’exfiltrant du seul cadre familial pour en faire une composante des rapports de forces dans les liens interindividuels, collectifs ? D’un autre côté, au-delà de la vulgate, quels psychanalystes axent encore aujourd’hui à ce point leur pratique autour du complexe d’Œdipe, dans quels cas, avec quel tact et dans quel but ?

 

Ce sont là autant de questions que ce numéro se propose de mettre au travail de la réflexion collective, en donnant la parole à des psychanalystes, philosophes, lettrés, anthropologues, chercheurs en étude de genre et sur la famille...

 

Bibliographie

Borch-Jacobsen, M. (2018). Apprendre à philosopher avec Freud. Ed. Ellipses.

Deleuze, G. (1993). Critique et clinique. Paris : Minuit.

Deleuze, G., Guattari, F. (1972). L’anti-œdipe. Paris :Minuit.

Freud, S. (1897). Naissance de la psychanalyse. Lettres à Wilhelm Fliess. Paris : Puf, 1956.

Freud, S. (1938). Abrégé de psychanalyse. OCF XX. Paris : PUF.

Godelier, M. (2013). Levi-Strauss. Paris : Seuil.

Héritier, F. (2001). Entretien avec Jacques André. Inceste et substance Œdipe, Allen, les autres et nous, dans : André, J. (dir.), Incestes. Paris : PUF.

Lévi-Strauss, C. (1949). Les structures élémentaires de la parenté. EHESS : 2017.

Lévi-Strauss, C. (2013). Nous sommes tous des cannibales. Paris : Seuil.

Malinowski, B. (1921). La Sexualité et sa répression dans les sociétés primitives. Paris : Payot.

Mazurel, H. (2021). L’inconscient et l’oubli de l’histoire. Paris: La Découverte.

Popper, K. (1963). Conjectures et réfutations : la croissance du savoir scientifique. Paris : Payot, 1985

Preciado, P. (2021). Je suis un monstre qui vous parle. Rapport pour une académie de psychanalystes. Paris : Grasset.

Vernant, J.P. Vidal-Naquet, P. (2006). Œdipe et ses mythes. Paris : Ed. Complexe.

Wittgenstein, L (1961). Investigations philosophiques, dans ID., Tractatus logicophilosophicus. Paris : Gallimard.

SOUMISSION MANUSCRITS:

JANVIER 2023

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